2/16/2009

La mort n'est pas une fin.


Six Feet Under, de Allan Ball.

L'appréhension de la vie face à la mystification de la mort est une constante qui coexiste dans la mythologie, la religion, les sciences et plus généralement la vie.
C'est en approfondissant cette optique contradictoire, impliquant l'occlusion de notre disparition prochaine et la limitation de nos actions dans le temps, que la série Six Feet Under retient l'attention du public. Elle invite le spectateur à se demander comment il lui est possible de gérer les tabous de sa culture occidentale face à cette mort inéluctable qui l'entoure.



Il n'est pas étonnant de découvrir que le producteur et scénariste d'American Beauty, qui a montré son talent à peindre au vitriol le portrait d'une famille américaine moyenne, en soit venu à s'intéresser de près à l'un des aspects les plus rebutants de notre société.
Effectivement, Allan Ball confronte tout au long des cinq saisons le spectateur à l'idée de la mort, à travers des personnages dirigeant une maison de pompes funèbres : Fisher and Sons.
Cette entreprise, fondée par Nathaniel Senior, va tomber entre les mains de ses fils après sa mort accidentelle dans le premier épisode. L’existence de toute la famille va s’en trouver définitivement bouleversée. Nathan, le fils rebelle ayant fuit son destin se voit contraint d’assumer son rôle dans le « commerce » familiale. David, son frère, projeté brusquement à la place du chef de famille, doit jongler entre son travail et Keith, l’homme dont il a bien du mal à assumer l’amour. Claire, la benjamine, cherche sa voie entre sa passion de l’art, son désintérêt pour l’école et son besoin d’évasion. A cela s’ajoutent Ruth, la mère psycho rigide et un rien dérangée de ces trois grands enfants, Rico, l’employé en reconstruction physique des cadavres, et Brenda, la petite amie surdouée à tendance névrotique de Nathan. Cette galerie de personnages complexes forme le cœur et la richesse de la série.


Mené par des comédiens de choix, tels que Peter Krause (The Lost Room, The Truman Show …), Lauren Ambrose (In & Out, Swimming …) ou encore, l'excellent Michael C. Hall, qui tient actuellement le rôle principal de la série Dexter, le casting révèle des acteurs époustouflants dont la simplicité et l'authenticité de jeu grandissent la série à mesure que les épisodes défilent.
Leur interprétation de ces personnages singuliers, voire à tendances carrément bipolaires, affine et dessine la trame de la série. Les personnages sont en constante contradiction entre devoir et envies, moralité et désirs. Tiraillés de toutes parts, ils s'entraînent mutuellement vers de nouveaux horizons, plus inattendus que jamais. Laissant derrière eux les cadavres de leur ancien "moi", ils évoluent, sous l'œil attentif du spectateur, de façon hasardeuse et traumatique. Cédant un jour à l'envie de stabilité, leurs vieux démons les rappellent bien vite à l'ordre et leurs vies s'en retrouvent instantanément bouleversées. Tout comme la mort est inexorable, il n'y a pas de réelles échappatoires à leurs erreurs de parcours. Le réalisateur explore ainsi la famille Fisher, mettant en opposition le côté solennel d'une mère de famille aux accents mormons, à des enfants rebelles et rêveurs, qui ne souhaitent qu'une chose : s'éloigner de leur sordide héritage.


De manière redondante, chaque épisode est régi par une structure identique, un épisode – une mort : un diptyque risqué ! Pari réussi qui au fil des saisons tend cependant à s'essouffler, malgré une volonté affichée de toujours prendre le spectateur par surprise. Les séquences prégénériques donnent ainsi le ton, exhibant la mort d'un individu amené chez les Fisher. Le décor de chaque épisode est ainsi planté !
Le réalisateur ne s'y trompe pas, nulle autre épreuve que le deuil ne permet la révélation du véritable visage des individus. A travers eux, est dressé le portrait d'une société occidentale matérialiste, superficielle, friande de banalités et s'adonnant à des abus en tout genre. Chaque aspect de la mort est envisagé sous tous les angles possibles, renvoyant à une thématique bien précise en accord à l’un des aspects de la vie d'un des personnages principaux. Technique habile qui permet d'explorer les abysses de l'âme humaine sans effrayer pour autant le spectateur.
Mais Allan Ball ne s'attaque pas seulement aux sujets mortuaires, il impose dans son script de nombreux thèmes tous aussi complexes et tabous : homosexualité, introspection, adultère, religion, mensonges et profits sont les fonds de tiroirs de la série. En dépit d'un contexte qui paraît d'emblée lugubre et sinistre, la réussite de Six Feet Under réside dans des scénarios basés sur un humour noir décapant et une galerie de personnages plus névrosés et déjantés les uns que les autres. L'ironie est le maître mot d'un réalisateur qui se joue des ambiguïtés existentielles.


Six Feet Under est particulièrement remarquable pour sa réalisation, qui approche esthétiquement de la perfection pour une série télévisée, tant au niveau du cadrage que des choix photographiques qui donnent aux images des teintes plutôt automnales, atténuant ainsi l'ambiance cadavérique liée aux pompes funèbres. Chaque plan est traité avec autant de soin et de moyens qu’un film peut l’être, et ce avec une parfaite constance au cours des cinq saisons.


En s'associant de nouveau avec le compositeur Thomas Newman (Wall-E, La Ligne Verte, Rencontre avec Joe Black, Les Noces Rebelles…) qui avait précédemment travaillé sur American Beauty, Allan Ball s'assurait du succès de son thème d'ouverture. Cette Collaboration ingénieuse ajoute en effet à la série une part de mystère et néanmoins de légèreté. Jouant encore une fois sur les contrastes et les contradictions, la mélodie de ce générique rappelle outrageusement qu'en dépit d'une mort certaine, la vie et ses tourments ne sont qu'une goutte d'eau dans un océan.


Après cinq saisons réalisées à merveille, la série prend fin sur un final tout aussi bouleversant et saisissant, laissant le spectateur contemplatif et admiratif d'une série qui à défaut d'une promotion vulgarisée et outrageuse a su se faire connaître par le simple bouche-à-oreille. Six Feet Under prouve, de multiples façons, que la mort n'a pas d'empire et qu'elle recèle encore de parcelles inexplorées.


Par C. R.

Remerciements : HBO, The Internet Movie Data Base


La science des comportements.


Esprits Criminels, de Jeff Davis.

"La croyance en une origine surnaturelle du mal n'est pas nécessaire. Les hommes sont à eux seuls capables des pires atrocités."

Episode 1, saison 1.


C'est sur cette citation de Joseph Conrad que Jeff Davis, réalisateur de la série américaine, décide de lancer le premier épisode de la série Esprits Criminels (Criminal Minds en Version Originale).

Au cœur de la ville de Quantico, en Virginie, le département des Sciences du Comportement (BAU, Behavior Analysis Unit en VO), division du FBI, est chargé d'enquêter localement sur les criminels et les tueurs en série.
Mené par l'agent Aaron Hotchner, dit "Hotch", et assisté par une équipe de profileurs "surdoués", ce département va être, au fur et à mesure des épisodes, amené à traverser l'ensemble des Etats-Unis afin de résoudre les affaires les plus complexes.

Quand le FBI se retrouve face à une impasse lors d'une enquête, il se tourne logiquement vers l'unité d'analyse comportementale de Quantico. Cette unité d'élite dissèque le comportement et les réactions des criminels, traque psychologique effrénée, allant parfois jusqu'à mettre la vie de ses profileurs en danger. Ils chassent les évidences examinées en laboratoire et posent la question à l'envers. S'en suit une analyse objective du comportement des assassins aussi bien sur la scène du crime que sur leur lieu de travail et leur lieu de vie pour tenter de comprendre comment ils pensent et réagissent... Chaque membre de l'équipe a son propre domaine d'expertise.

Nous nous retrouvons donc face à un petit génie mal dans sa peau (Spencer Reid); une profileuse très compétente et soupçonnée d'être pistonnée (Emily Prentiss); un retraité qui fait de la résistance, venant porter son aide au département qu'il a lui-même créé (Jason Gideon); un dirigeant au sang froid, n'ayant jamais appris à sourire (Aaron Hotchner); un playboy au casier "presque" vierge (Derek Morgan); une poupée Barbie non écervelée (Jennifer Jareau); et à une version blonde (Pénélope Garcia) de la "gothique" Abby Sciuto, spécialiste d'investigation en technique de laboratoire du NCIS (interprétée par Pauley Perrette, ndlr).

Dans le casting, on retrouve Mandy Patinkin (Jason Gideon), Thomas Gibson (Aaron Hotchner), Lola Glaudini (Elle Greenway), Shemar Moore (Derek Morgan), Matthew Gray Gubler (Spencer Reid), Andrea Joy Cook (Jennifer Jareau), Kirsten Vangsness (Penelope Garcia), à partir de la deuxième saison, Paget Brewster (Emily Prentiss) et de la troisième, Joe Mantegna (David Rossi).

Et Après …

Cette série, pouvant paraître similaire a tant d'autres (New York Unité Spéciale, Les Experts, Ris – Police scientifique, Bones, Cold Case …), se distingue par une action timorée et une implication psychologique pour le moins surprenante.
En effet, suite à la sortie du film le Silence des agneaux (The Silence of the lambs en VO) de Jonathan Demme (1991), une recrudescence des films et séries sur les meurtres en série s'est fait ressentir, ne reconnaissant plus l'exceptionnalisme originel de ce chef d'œuvre de la littérature et du cinéma américain.
A la limite de l'overdose, c'est un melting pot avarié qui nous est servi chaque soir sur toutes les chaînes télévisées.

Une lueur d'espoir apparaît avec la venue inopinée de NCIS (Naval Criminal Investigative Service, ndlr) en 2003.
Réelle bouffée d'air frais, NCIS allie inquisitions scientifiques et rigidité militaire.
Avec un casting de choc (Mark Hammon, David McCallum, Pauley Perrette, Michael Weatherly, Cote de Pablo, ndlr), Don McGill signe un renouveau dans les séries à enquêtes policières.
En dépit de l'apparition de la série Cold Case – Affaires Classées en 2003, les réalisateurs s'essoufflent et aucun des nouveaux scénarios n'arrivent à égaler l'ampleur du phénomène NCIS.
C'était sans compter sur Jeff Davis, qui en 2005 renouvelle le genre avec Esprits Criminels, une série ambivalente misant sur des analyses psychologiques approfondies, originales et tangibles et une dynamique oscillante.

"Royal Flush" ?!

Diffusée depuis le 22 septembre 2005 sur le réseau CBS, et depuis le 26 juin 2006 sur TF1 en France, elle se retrouve en deuxième partie de soirée le dimanche soir sur TF1.
On a peut alors se dire : "Cette série ne battra pas des records d'audience en commençant aussi tard et en terminant à près de 2h00 du matin !"

Or, ce fût un véritable coup de Poker de la chaîne américaine CBS (Columbia Broadcasting System, ndlr), qui réalise actuellement les meilleures parts d'audience avec 14 millions de téléspectateurs pour le dernier épisode en date de la saison 4.

On peut aisément se demander ce qui pousse autant de personnes à veiller aussi tard ?

Ce ne sera certainement pas l'utilisation abusive, à la limite du paroxysme, de termes techniques qui vous y poussera. Le spectateur pouvant être noyé sous les flots de longs discours psychanalytiques, perdant quelques fois le fils de l'histoire.
Ne prenez pas pour autant de cours de psychologie, cela serait bien futile, car vous comprendrez aisément au bout de quelques épisodes toutes les ficelles du métier de profileur.

Malgré un scénario traînant parfois dans les longueurs, choix spécifique du réalisateur, nous pouvons néanmoins être surpris par l'efficacité sous-jacente d'un script plutôt bien mené, allant jusqu'aux plus profondes abysses de l'exploration de l'esprit humain.

C'est en alliant, ingéniosité, sang froid et témérité que nos profileurs décèlent toutes les failles des criminels, nous offrant des scénarios réalistes et captivant.
Ainsi, Jeff Davis, nous entraînant dans l'univers sombre et passionnant de la criminologie, façonne une série dont vous ne manquerez pas de vous rappeler.

"Nietzsche a dit; si vous regardez longtemps au fond des abysses, les abysses voient au fond de vous"
Episode 1, saison 1.

Par C. R.
Remerciements : Hypnoweb, CBS.

Site officiel : http://www.cbs.com/primetime/criminal_minds/
Site français : http://esprits-criminels.hypnoweb.net/