1/27/2010

AIR - Conditionnement Aérien.

Air au Casino de Paris le 12 janvier 2010.

Photograph by : La Détente Générale
http://ladetentegenerale.blogspot.com/

L’approche d’un concert événement est toujours à double tranchant. Côté pile, l’euphorie prend le dessus, l’avènement engendre l’excitation et l’on rentre chez soi heureux d’avoir assisté à une prestation scénique époustouflante. Comme toute médaille, le revers peut être sanglant. Le côté face est beaucoup moins brillant, dans tous les sens du terme.

Attendu par tous comme l’événement de ce début de nouvelle année, Paris était en ébullition à l’idée de retrouver le duo versaillais Air sur scène pour la sortie de leur nouvel album Love 2. De nombreux invités de choix étaient présents tels que les membres du groupe français Phoenix, Étienne Daho ou encore Sébastien Tellier.

Un parterre d’invités aussi bien choisi dénote de la popularité et de l’intégrité de Air. Acceptés par leurs pairs, Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin ont su se faire une place au sein du monde musical français et international. Issus du mouvement ’French Touch‘, leurs multiples succès ont traversé les océans. Leurs albums Moon Safari, Talkie Walkie et Pocket Symphony aux sons électroniques, pop et psychédéliques ont su projeter le groupe dans un univers fantasmagorique qui leur est propre.

Pour la présentation de leur nouvel opus, nous nous attendions donc à être transportés loin du vacarme parisien, dans un espace-temps imaginaire et irréel. Air ayant souvent misé sur l’apport de musiciens additionnels, l’arrivée sur scène de la formation en un simple trio laissait présager une approche intimiste du concert.

Accompagnés du batteur anglais Alex Thomas, le concert débute. Simples, mélodieux et épurés les sons envahissent la Casino de Paris. La tension est palpable et toute l’audience préconquise n’attend que le moment du décollage. Mais la langueur des morceaux présentés et les arrangements studio occultés enlisent le groupe français. L’ambiance se fait fébrile et ce n’est pas l’énergie scénique inapparente qui va sortir le groupe de l’enlisement auquel je succombe moi-même. Sans fioriture, les morceaux s’enchainent et malgré le manque d’attrait, la simplicité donne un nouveau charme au groupe.

Air se présente sous un nouveau jour et l’attention du public n’est plus étourdie par les fastes et les spotlights. Cette sobriété récemment acquise permet de révéler d’anciennes mélodies telles que celles de Cherry Blossom Girl, Sexy Boy, Highschool Lover et Femme D’argent. En guise de récompense, ce sont les morceaux de Love 2 qui sont le plus plébiscités par le public parisien. Nous retiendrons des titres innovants et hypnotiques tels que Tropical Disease et Be A Bee qui en sont extraits.

Le concert s’achève sur une note plutôt sucrée bien que le conditionnement mitige parfois une assemblée qui est bel et bien divisée entre nostalgie et audace musicale. Air laisse après leur passage une sensibilité artistique novatrice qui nous affecte tous. Hors des sentiers battus, nous avons revisité nos classiques et appris à ne pas nous laisser influencer par nos définitions préconçues de ce que doit représenter un concert.

Le groupe sera présent à la Cité de la musique et à la Salle Pleyel du 1er au 6 juin 2010. Air proposera pour l’occasion des créations spéciales en collaboration avec des musiciens d’univers différents chaque soir. En attendant, leur album Love 2, mixé par Stéphane Briat (déjà présent sur Moon Safari), est dans les bacs depuis le 6 octobre 2009 et reste à portée de main pour patienter sagement jusqu’au retour aérien de Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin.

Par C. R.
Remerciements : EMI, AIR.

Dan Black INTW - L'aventurier solitaire.




C’est dans le cadre de son retour sur scène à Paris pour la soirée des Inrocks à la Maroquinerie que nous avons rencontré Dan Black. Artiste très attendu de la scène musicale depuis son départ du groupe indie The Servant, il revient sur son parcours et sur ce qui l’a amené à se lancer en solo.


« Lorsque tout a commencé avec The Servant, la situation était étrangement similaire à aujourd’hui. J’étais seul avec mon ordi en train de composer des morceaux et d’écrire par-ci par-là. Par la suite, j’ai fait appel à des musiciens pour pouvoir jouer en concert. Au final, tout cela s’est transformé sans que je ne m’en rende compte en un groupe de « rock alternatif », ou peu importe. Au début c’était assez sympa et fun, mais j’avais envie de m’essayer à autre chose. Donc j’ai essayé d’en parler et de proposer quelque chose de différent, mais cela n’a pas fait l’unanimité. Donc quand mon contrat s’est terminé j’étais libre de partir et de faire ce qui me chantait.
Courant l’hiver 2007/2008 j’ai écrit et écrit et écrit sans relâche et j’ai dû repartir de zéro. Rechercher un nouveau management, un nouveau label, de nouveaux musiciens… J’ai été signé l’hiver dernier et j’ai directement enregistré l’album. Il est sorti courant l’été 2009 en Angleterre et depuis je fais des concerts un peu partout. Les gens pensent que j’ai attendu avant de me lancer alors qu’en réalité je n’ai rien attendu du tout. Tout ce temps j’ai bossé comme un fou (rires) ».


Après ces deux années de travail acharné, l’album sort enfin officiellement. Un événement plutôt particulier pour Dan Black puisqu’il a tenu à tout faire par lui-même, jusqu’à entrer dans les moindres détails de la composition du disque. Il revient d’ailleurs sur ce moment important de l’année.

« Lorsque l’album fut fini, je me suis senti incroyablement bien. J’avais pris la décision, peut-être stupide lorsque l’on prend un peu de recul (rires), de tout faire par moi-même. Par conséquent, ça a été un travail de dingue sincèrement. C’était vraiment très intense. Je travaillais toute la journée sans faire de pause, et cela, pendant presque 40 jours. Et tous les jours, je ne lâchais rien. J’ai même été jusqu’à dormir dans le studio (rires). Mais en définitive, je suis assez fier de ce que j’ai accompli. J’ai essayé et je l’ai fait. À la sortie de l’album, je me suis dit « whoa, j’ai créé quelque chose ! ». C’est ce que j’ai fait, pour le meilleur ou pour le pire… »

On ne peut prédire l’avenir, mais l’album est résolument pop et électro, aux sonorités hip-hop et aux beats à la Boys Noize. Il semblerait que la musicalité de Dan Black ne se limite pas à un univers fermé. Il puise son inspiration là où son esprit le mène, de manière presque identique à celle de ses débuts dans le projet Mathematics, tant dans le style que dans la façon de composer. Mêlant atmosphères cinématiques, techniques de production hip-hop et références aux années 80, le son de Dan Black est de manière inhérente un melting pot culturel et seule sa voix reste un élément constant. L’album est sobrement intitulé Un et l’on peut se demander quelles en sont les raisons. L’artiste nous éclaire à ce sujet…

« Il y a deux raisons à cela. En anglais lorsque l’on met ‘un’ devant un mot cela signifie que ce n’est pas ça. Lorsque je composais l’album, je ne voulais pas que cela soit catégorisé de manière générique et mis dans une case. Je voulais que ce soit non-rock, non-pop, non-cliché, non-ennuyeux, non-moyen. Je voulais juste qu’il soit ce qu’il est point. J’habite également sur Paris depuis deux ans. Que je suis chanceux (rires) ! C’est la première fois que je sors un album en solo, c’est la première fois que je tente ce genre d’expérience. Voilà pourquoi (rires). »

En démystifiant les messages supposés être inscrit dans la composition et les textes de l’auteur, on retrouve une émotivité et un ressenti global sur l’album. En effet, Un est construit sur un même axe, pour lui il n’y a pas vraiment de message à transmettre…

« Je ne m’assieds pas et me dit “Bon, voilà mon message et je vais écrire une chanson pour le communiquer”. C’est beaucoup plus que ça. J’ai un désir premier qui est de faire de la musique. C’est une sorte de compulsion. Je vais écouter un truc et me dire “j’aime bien ce passage”. À partir de là je compose, c’est un processus que j’adore. Ce qui est excitant, c’est d’essayer plusieurs choses avec la musique et les textes et à un moment ça créé ou évoque quelque chose de réel dans lequel tu peux croire. Un peu comme “Ouais, c’est ça !” (rires). J’aime la musique lorsqu’à un moment elle t’interpelle et te rappelle ce que tu as pu ressentir par le passé à un moment donné. Je n’ai pas vraiment de message, c’est juste ma vision du monde sous une forme musicale. »

Sur l’album des morceaux tels que Wonder, Ecstasy, le single Symphonies ont attiré l’attention par leur efficacité, leurs textes poignants et leur rythmique particulière. Si l’on s’intéresse de plus près à Life Slash Dreams, il est vrai que la frontière entre le rêve et la réalité est très mince. La tentation de stagner dans un état stationnaire et d’occulter tout ce qui parait négatif est forte. Dan Black a une vision quelque peu différente à ce sujet...

« “Life Slash Dreams” n’est pas une sorte de texte mystique. Ce n’est pas bon ou mauvais pour moi d’être dans cet état stationnaire. C’est juste qu’il n’en est pas autrement. Je veux dire, je sais quand je suis éveillé ou quand je suis endormi. Mais si l’on réfléchit bien, au fond, même lorsque l’on est éveillé, ce que l’on perçoit n’est pas vraiment la réalité, mais uniquement ce que notre cerveau a bien voulu nous retranscrire. Et ce que mon cerveau déchiffre est souvent imparfait. Quand vous regardez un film, vous ne regardez pas un écran avec des jeux de lumière. Vous y voyez des personnes, des images dans une certaine réalité. Ainsi, quand vous approfondissez un peu, il y a une sorte d’analogie entre ces personnes que vous voyez et les émotions que cela vous inspire.
C’est une perspective peu conventionnelle, mais c’est beaucoup plus qu’une réalité à deux dimensions. Sur cet album j’ai énormément parlé des rêves. Le Monde est un endroit difficile et j’utilise ce que j’ai à portée de main, l’imagination, pour l’explorer. Je ne suis pas religieux, je suis athée, mais tout cela a un sens d’un point de vu psychologique ou spirituel. J’ajouterai juste à cela que lorsque j’étais gamin, je suis allé voir mon père et je lui ai demandé “Comment est-ce que tu sais que tout cela n’est pas un rêve ? ”. Il m’a tout simplement répondu : “je ne sais pas. C’est une très bonne question à laquelle je n’ai pas de réponse.” »

L’album est une source tarissable, et l’on ne peut être objectif quant aux morceaux que l’on préfère, car ils sont inhérents à chacun. C’est tout en finesse et humour que Dan Black revient sur les compositions qu’il préfère et enlève un peu de notre subjectivité…

« Avec la composition de l’album, j’ai écouté les mêmes morceaux quasiment en boucle pendant deux ans. À la fin je n’en pouvais plus, cela devenait difficile de les écouter. Le live a cela d’intéressant qu’il m’a permis de redécouvrir les morceaux sous un tout nouvel angle. Mais maintenant je peux dire que j’aime beaucoup « Let Go », « Life Slash Dreams » est vraiment excellent, « Symphonies » bien entendu… En fait, tout est brillant ! Vous ne pouvez pas voir le sarcasme, mais je vous assure que je dis cela de manière sarcastique (rires) ! »

Avec autant d’attentes de la part des médias et des professionnels, la pression autour de ce projet était presque palpable. L’album a reçu de bonnes critiques, de nombreuses promotions arrivent de toute part. Le titre Symphonies sera par ailleurs Single de la semaine sur iTunes US à partir du 29 décembre. Qui plus est, Dan Black marquera son retour par un featuring avec Kid Cudi sur cette même piste et la sortie d’un clip est également prévue pour janvier 2010. À l’approche de ces événements, on peut aisément se demander comment l’artiste les appréhende. Quelques minutes avant de monter sur scène il nous explique son ressenti et la façon dont il conçoit le live de ce soir…

« Ça dépend, je peux être stressé des fois. La plupart du temps je suis relativement calme, de par le fait que j’ai beaucoup tourné par le passé et même encore maintenant. En revanche, à la différence de The Servant, je ne suis plus accompagné de cinq musiciens, et je me suis lancé sur scène avec deux ordis, des samples et plein d’autres choses à gérer. Je ne faisais pas ça avant. Je me posais devant mon micro et j’essayais de chanter. Je suis donc un peu plus nerveux, mais j’utilise cette nervosité à bon escient. Je dois vraiment me concentrer maintenant, il faut que je me synchronise et je ne peux pas me pointer en faisant le pitre ! (rires) »

Dan Black reste un artiste naturel et sa renaissance en solitaire amène un brin de fraicheur, d’aventure et de peps à la scène internationale musicale. Bientôt en tournée dans le monde entier, il nous livre à l’occasion du festival des Inrocks un live des plus époustouflants. Accompagné de groupes de styles très différents, on se demande parfois pourquoi ils ont été réunis sur une même scène ?
Le seul lien commun tient dans la qualité et l’originalité de chacun. The Hickey Underworld, apporte de Belgique leur univers très particulier et leurs guitares acérées. The Longcut, quant à eux prépare la foule avec leur électro made in England, visiblement très appréciée du public parisien qui les acclame chaleureusement. Nous transportant presque dans une ambiance de Club underground new-yorkais, Dan Black et ses danses folkloriques embrasent la Maroquinerie. Le public en redemande et l’ancien membre de The Servant délivre en rappel un joyeux Jingle Bells. S’ensuit la surprise de la soirée : une interprétation acoustique du morceau Orchestra. La foule danse, les mains se lèvent, les fans sont présents aussi bien ceux de la première heure que les derniers arrivés. Dan Black transporte la Maroquinerie dans sa propre dimension. C’est la folie Dan Black et on aime.


Par C. R.
Remerciements :
The Hours, Les Inrocks, Dan Black, Alias.