2/16/2010

Enter Shikari INTW- Anarchie Thérapeutique.




Emmanuel Kant disait « La musique est la langue des émotions ». Un précepte appliqué à la lettre par Enter Shikari et leur univers à l’énergie quasi thérapeutique.
Originaire de St Albans en Angleterre, Enter Shikari a su allier avec ingéniosité électro et post-hardcore, recréant un nouveau genre où screamo, punk, électro et hardcore ne font plus qu’un. Le groupe en pleine ascension, a réussi à se faire reconnaitre et acclamer par les très difficiles membres de NME et de Kerrang !, et leur dernier album, Common Dreads, a atteint la 16ème place des charts en Angleterre dès sa sortie officielle.

Un an après leur premier passage à la Maroquinerie, les quatre cavaliers de l’apocalypse d’Enter Shikari sont de retour à Paris pour présenter leur nouvel opus sorti en juin dernier. Nous avons donc rencontré Rou (chant / clavier), Rory (guitare) et Chris (basse / chœurs) à cette occasion, et c’est avec sincérité et humour qu’ils sont revenus sur Common Dreads, leurs projets personnels et leur amour de la scène…

L’année dernière vous étiez déjà présents à la Maroquinerie, êtes-vous content de rejouer ici ?

Rou :
Ouais, la dernière fois que l’on a joué ici, c’était vraiment cool ! C’est toujours une bonne expérience de jouer ici. Il y avait pas mal de monde la dernière fois.

Rory : Oui, c’était vraiment bien. Mais on a aussi beaucoup aimé jouer à l’Élysée Montmartre (avec son accent)… c’est bien ça ? (rires) … Ouais c’était bien là bas aussi, on est plus proche du public, l’atmosphère est différente.

À propos du groupe, pourquoi avez-vous choisi de constituer votre propre label Ambush Reality ?

Rou : Ahah ! C’est pour garder le contrôle sur ce qu’on fait, savoir où passe l’argent notamment. C’est beaucoup mieux comme ça.

Votre nouvel album est sorti en juin dernier, qu’en pensez-vous ?

Rou : Ouais, il est vraiment ce qu’on attendait. On s’est beaucoup investi dedans, et je trouve qu’il nous définit mieux, tant au niveau de la musique que des idées.

Oui d’ailleurs, la couleur screamo sur cet album a un peu changé, et elle est moins présente que sur Take To The Skies ? Comment expliquez-vous ce choix ?

Rou : Je distingue deux types de screamo : le cri juste crié de façon ponctuelle. Mais il y a également la façon de chanter screamo. Sur cet album, je chante davantage de la sorte, et il y a moins de cris, cette façon de chanter se veut plus passionnée, peut être moins brutale. Mais les cris gutturaux restent présents.

Au travers de cet album, quel message avez-vous voulu faire passer ?

Rou : Notre message est assez universel, ce qu’on souhaite véhiculer, c’est l’unité. On parle pas mal de crise, il faudrait que les gens se serrent les coudes.

Quels conseils pourriez-vous prodiguer aux nouveaux groupes ?

Chris : Rétrospectivement, la chose importante, et qu’on a sous-estimée au début, c’est l’entrainement. L’une des erreurs que nous avons faites au début était de jouer gros alors qu’on n’était pas encore vraiment au niveau. On n’a pas deux chances de faire une première bonne impression. Mais hormis cela, je recommande de faire un maximum de live, c’est le plus important.

D’ailleurs vous êtes souvent présents sur des festivals, où arrivez-vous à trouver toute cette pêche et cette énergie ?

Rory : (sourire) Je me demande moi-même… C’est sûr que parfois on est crevé juste avant d’entrer sur scène. Mais dès qu’on voit la foule, c’est cela qui nous redonne de l’énergie. Tous ces gens qui viennent pour nous... Le fait de jouer nous redonne de l’énergie. C’est comme cela qu’on retourne nous ressourcer. (Rires) (NDLR : Return to Energizer est l’un de leurs morceaux cultes)

Depuis combien de temps faites-vous de la musique ?

Rou : On en joue tous depuis notre enfance… Mais moi à l’époque, vers 10 ans je jouais de la trompette.

Chris : Pareil pour moi avec la guitare, que j’ai commencée vers 10 ans, avant de me mettre à la basse vers mes 14 ans. On a toujours bercé dans cette ambiance musicale.

Quand vous n’êtes pas sur scène, ça vous arrive d’organiser des soirées DJ pour vos potes, non ?

Chris : Oui, carrément. Ce ne sont pas forcément de gros trucs, mais on organise quelques fêtes de temps en temps. Une année Rou a joué les DJ pour mon anniversaire. C’est toujours appréciable d’avoir un pote DJ, ça peut aider !

Aura-t-on le droit à un épique Sorry You’re Not A Winner ce soir ?

Chris : Oui ! On a remarqué que les fans avaient tendance à s’énerver lorsqu’on ne la joue pas ! (Rires)

Live Report @ La Maroquinerie


Ce sont sur ces mots que les membres du groupe nous laissent pour partir à la Maroquinerie. Attendus en début de soirée, ils sont accompagnés cette année par Twin Atlantic, première partie éphémère et satisfaisante, mais l’envie et l’attention sont retenues pour Enter Shikari. L’attente se fait longue et la transition parait durer une éternité. Plus d’une demi-heure plus tard et quelques dizaines d’aller-retour du roadie sur la scène, les lumières s’éteignent enfin et les membres d’Enter Shikari prennent place sous les cris et les applaudissements de fans soulagés.

Les lions entrent dans l’arène et l’anarchie semble être devenue la meilleure thérapie qui soit. Sous des effluves de folie apparente, Enter Shikari orchestre un show presque sans défaut, précis et incroyablement entrainant.

Le public est emballé dès l’intro (Common Dreads) et les quelques novices se laissent vite conquérir par l’énergie, la générosité et l’impétueuse démence du groupe. Le nouvel album est présenté dans sa quasi-totalité, mais leurs anciens succès ne sont pas pour autant oubliés. Ainsi, Mothership, No Sssweat, Labyrinth et Sorry You’re Not A Winner emportent avec eux une foule proche de succomber, subjuguée par les souvenirs passés, scandant les paroles et s’agitant dans tous les sens.

Enter Shikari en acoustique, Rou et sa guitare sèche à la main, le pari semblait risqué en live, et la peur de la douche froide se faisait sentir. Mais c’est avec force que Gap In The Fence, grâce à ses beats électro tardifs, surprend et ramène le public dans un état proche de la transe. Une vendetta musicale s’est produite à la Maroquinerie, et elle entraine avec elle le public déchainé qui profite de cet espace confiné pour passer outre les barrières et s’approprier la scène. Bien que quelque peu agaçants et déconcertants, les musiciens ne se laissent pas déconcentrer par ces débordements qui font néanmoins partis du jeu et ils continuent de jouer avec plaisir. Enter Shikari récoltent ainsi humblement la tempête anarchique qu’ils ont semée derrière eux.

Le show se termine en rappel par l’excellent Juggernauts, morceau visiblement très attendu, et les dernières notes sont ainsi accordées à Closing (extrait de leur premier album Take To The Skies). Un concert phénoménal et renversant. Preuve qu’il existe encore des groupes capables de créer de vrais « shows » dans le plus simple appareil, sans strass, ni paillette.


Par C. R.
Remerciements : JF, Pias, Discordance, Phil A.